Quelques pistes de travail commun
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jeudi 31 mai 2012, par Menahem
Les sujets théologiques controversés qui
divisent radicalement Juifs et chrétiens pourraient être abordés au
cours de débats apparentés aux anciennes ’disputationes’, mais menés
dans un esprit de communion et d’estime mutuelle. À titre d’exemple,
l’auteur explore quatre questions : (1) Comment concilier « le royaume
vous sera enlevé » (Mt 21,43) avec l’irrévocabilité de l’alliance entre
Dieu et le peuple juif, reconnue par l’Église ? (2) Le royaume
messianique s’établira-t-il sur la terre, ou dans les cieux ? (3) Jésus
peut-il être le Messie promis aux Juifs, alors que tant de prophéties ne
sont pas accomplies et qu’Élie n’est pas venu (Ml 4,5) ? (4) L’État
d’Israël : fait politique sans rapport avec l’histoire du salut, ou
« prémices de l’éclosion de la rédemption d’Israël » ?
Avant-propos
L’approfondissement de la connaissance mutuelle entre chrétiens et
Juifs se poursuit de manière régulière — on peut même dire spectaculaire
—, surtout dans le monde anglo-saxon. En témoigne la littérature
technique — spécialement théologique — extrêmement abondante, voire
pléthorique, dont la maîtrise excède déjà nettement les capacités d’un
chercheur isolé. Des institutions d’enseignement ont été créées, soit
dans le cadre institutionnel de l’Église, soit à l’échelon universitaire
(nombreuses chaires spécialisées) (1). En témoigne également la
multiplication des ouvrages et articles de chercheurs juifs et
israéliens, consacrés au christianisme (2).
Le Communiqué de presse qui suit (11 mars 2004) illustre, s’il en
était besoin, même si c’est de manière ponctuelle, la vitalité et le
sérieux de ce dialogue, à l’échelon institutionnel religieux.
Des cardinaux, évêques et prêtres français viennent de participer à
plusieurs rencontres, à l’initiative du Congrès juif mondial (CJM),
entre les courants orthodoxes du judaïsme et la hiérarchie catholique.
Une délégation de neuf évêques français, conduite par le cardinal
Jean-Marie Lustiger, archevêque de Paris, est rentrée, samedi [6 mars],
de New York, où elle a rencontré des représentants de l’orthodoxie juive
pour des échanges sur le thème « tradition et modernité ». Cette visite
de six jours intervient après une rencontre à New York de cardinaux du
monde entier et de représentants du judaïsme orthodoxe, les 19 et 20
janvier [2004], sur le thème : « Quel est le premier des
commandements ? » […] Ces rencontres d’une « grande richesse »
témoignent de la volonté du judaïsme orthodoxe et ultra-orthodoxe,
particulièrement vivant aux Etats-Unis, « d’entrer dans une nouvelle ère
de dialogue avec l’Église catholique dépassant la sphère des
spécialistes », a déclaré le secrétaire du Comité épiscopal français
pour les relations avec le judaïsme (3)…
On ne peut que souscrire au témoignage de ce responsable catholique
français du dialogue avec le judaïsme. Mais, si utiles, voire
indispensables, que soient de telles rencontres, elles n’ont jamais
trait aux questions cruciales qui divisent encore chrétiens et Juifs,
sans doute parce que la nature de ce dialogue lui interdit d’aborder des
sujets controversés. Dans ce cas, il faudrait envisager un autre cadre
pour en traiter. On pourrait, par exemple, renouer avec l’ancienne
tradition des disputationes, en la modernisant et en la menant dans un
esprit de communion et d’estime mutuelle. Rappelons que la disputatio
était l’une des principales méthodes d’enseignement et de recherche dans
les universités médiévales. Il s’agissait d’une discussion organisée de
questions issues de la lecture des textes ou de questions
indépendantes. Laissant de côté l’aspect joute oratoire des disputations
publiques médiévales, où un maître de l’université exposait et
défendait une thèse contre des objections, et les règles formelles de
l’Ars obligatoria ayant pour but d’empêcher la discussion de glisser, on
en reviendrait à l’esprit originel du débat (4), dont la fécondité est
grande, pourvu qu’il se déroule dans une atmosphère de respect mutuel,
et que celles et ceux qui y participent viennent autant pour apprendre
ce qu’ils ignorent, que pour exposer ce qu’ils savent.
À mi-chemin entre les symposiums scientifiques et les rencontres
dialogiques, des débats sur des questions disputées pourraient
constituer des lieux d’échanges intellectuels et spirituels plus
spontanés, d’où seraient exclues toutes tentatives, directes ou
indirectes, d’intimider, voire de convaincre, d’erreur les participants
dont on ne partage ni la foi ni les idées. Les Juifs y pratiqueraient le
pacifique masa umatan (litt. « négociation ») talmudique (5). Quant aux
chrétiens, il leur serait loisible de recourir à leurs modes favoris
d’argumentation religieuse et exégétique : la typologie et le sens
spirituel (6).
Et pour éviter que, lors de ces débats, ne soient traités que des
thèmes consensuels, ou extrinsèques au contenu de foi de l’une et
l’autre confessions, juive et chrétienne, il serait souhaitable que
soient abordés, avec courage et sans complexe — de supériorité ou
d’infériorité — des sujets qui divisent, parfois radicalement, Juifs et
chrétiens, et qui, pour des raisons diverses, n’ont jamais fait l’objet
d’un dialogue spécifique et exigeant. On proposera, ici, quelques thèmes
qui touchent au tréfonds même des contenus de foi et de la conception
du monde, juives et chrétiennes, et qu’il est d’autant moins question
d’éviter qu’ils s’enracinent dans les mêmes Écritures, lesquelles sont
interprétées de manière différente et parfois radicalement divergente
par les fidèles de l’une et l’autre confessions de foi. Les implications
doctrinales des questions que soulèvent les sujets proposés sont
d’autant plus importantes et sensibles, que trois d’entre eux concernent
la fin des temps et l’avènement du royaume messianique, doctrines peu
enseignées aux fidèles chrétiens par les Églises officielles, et
traitées par leurs théologiens presque uniquement comme des questions
académiques relevant des sciences bibliques (7).
À titre indicatif, et sans que cette liste doive être considérée
comme limitative, voici donc quatre questions cruciales qui pourraient
faire l’objet des débats envisagés. 1) Comment concilier « le royaume
vous sera enlevé » avec l’irrévocabilité de l’alliance divine avec le
peuple juif, reconnue par l’Église ? 2) Le royaume messianique
s’établira-t-il sur la terre, ou dans les cieux ? 3) Jésus peut-il être
le Messie promis aux Juifs, alors que tant de prophéties ne sont pas
accomplies et qu’Élie n’est pas venu ? 4) L’État d’Israël : fait
politique sans rapport avec l’histoire du salut ou « prémices de
l’éclosion de la rédemption d’Israël » ?
1. Si « le royaume a été enlevé » au peuple juif,
l’alliance divine avec lui n’est pas « irrévocable » comme l’affirme
l’Église
Les chapitres 21 à 23 de l’Évangile de Matthieu relatent les
violentes controverses entre Jésus et les scribes et les pharisiens.
L’opposition se fait de plus en plus vive au fil des versets. Elle
culmine dans la parabole des vignerons homicides (Mt 21,33-42) et dans
la phrase qui la clôt : « Aussi, je vous le dis : le Royaume de Dieu
vous sera retiré et sera donné à un peuple qui en porte les fruits
(8). » (v. 43) Comment les artisans chrétiens du dialogue avec le peuple
juif peuvent-ils concilier cette dépossession, donnée comme annoncée
par Jésus lui-même, avec deux autres passages du Nouveau Testament, qui
semblent la contredire radicalement ?
Ainsi, le premier chapitre du livre des Actes des Apôtres nous relate
la question cruciale que les disciples posent à Jésus (présenté comme
ressuscité) : « Étant donc réunis, ils l’interrogeaient ainsi :
“Seigneur, est-ce maintenant le temps où tu vas rendre le royaume à
Israël ?” (v. 6) On admettra qu’il n’est pas concevable que la
malédiction attribuée à Jésus en Mt 21,43 se soit si vite effacée de
leur mémoire. Or, dans ce récit du premier chapitre des Actes, il n’est
fait état d’aucune allusion de Jésus à la dépossession du royaume,
fulminée par lui antérieurement. Au contraire, il répond positivement à
l’interrogation, même si c’est pour reporter à plus tard la solution de
cette aporie apparente : « Il ne vous appartient pas de connaître les
temps et moments que le Père a fixés de sa seule autorité » (Ac 1,7).
Autre contradiction apparente : l’affirmation suivante de l’apôtre
Paul : « Dieu n’a pas rejeté le peuple qu’il a discerné par avance » (Rm
11,2). Le pape Jean-Paul II en a respecté l’esprit, lorsqu’il a parlé,
dans un discours à l’adresse de la communauté juive allemande (Mayence,
1980), du « peuple de Dieu de l’ancienne Alliance — une Alliance qui n’a
jamais révoquée par Dieu (9) ». Faisant ainsi implicitement allusion à
cet autre verset de l’épître aux Romains : « Car les dons et l’appel de
Dieu sont irrévocables » (11,29).
Quant à la Tradition juive, bien que consciente des péchés du peuple,
non seulement elle se fie aux promesses bibliques — telle celle-ci :
« Quand vos péchés seraient comme l’écarlate, comme neige ils
blanchiront ; quand ils seraient rouges comme la pourpre, comme laine
ils deviendront » (Es 1,18) —, mais encore, elle énonce par la bouche
des Sages de la Mishna : « Tout Israël a part au monde à venir » (Talmud
de Babylone Sanhedrin 90a). Mais le plus étonnant est le texte suivant
de Maïmonide (xiie s.), qui semble calqué sur le verset 6 du premier
chapitre des Actes des Apôtres, cité ci-dessus : « En vérité les “jours
du Messie” sont l’époque où sera rétablie la souveraineté d’Israël
(10)… »
2. Le royaume messianique s’établira-t-il sur la terre, ou dans les cieux ?
Malgré les apparences, il ne s’agit pas ici de pure spéculation. La
Tradition juive tient que la royauté divine s’exercera sur la terre sous
l’égide d’un Messie humain (11). Elle s’appuie sur les Écritures et
trouve une de ses expressions les plus nettes dans le célèbre aphorisme
talmudique : « la seule différence entre le monde présent et le temps du
Messie c’est qu’aura cessé l’asservissement d’Israël aux nations »
(Talmud de Babylone Sanhedrin 91b et Berakhot 34b). Une grande partie
des aphorismes des Sages d’Israël ayant trait aux temps messianiques
sont rassemblés dans le chapitre 11 et dernier du Talmud Sanhedrin,
intitulé « Heleq », parce qu’il commence par la mishna, déjà citée,
« Kol Yisra’el iesh lahem heleq be’olam haba’ » (« Tout Israélite [ou
tout Israël] a part au monde à venir (12) »). Maïmonide a composé une
« Introduction au chapitre Heleq », dont le but est de donner une
explication rationnelle des passages aggadiques du Talmud, qui lui
paraissaient beaucoup trop fabuleux. Malgré cette réduction
philosophique, la lecture de cet opuscule est utile en ce qu’elle expose
l’essentiel des doctrines eschatologiques juives. On peut y lire, par
exemple et entre autres : « Ils reviendront en terre d’Israël ; et ce
roi [Messie] sera très grand ; le siège de son royaume à Sion fera
grandir son nom et sa réputation atteindra toutes les nations (13)… » Et
surtout le douzième des Treize Principes formulés par le grand
philosophe et théologien juif médiéval :
Les jours du Messie : croire et être sûr qu’il viendra et ne pas
penser qu’il sera en retard. « Si elle [la venue du Messie] diffère,
attends-le [le Messie] » [voir Ha 2,3]. Ne lui assigne pas une date et
ne cherche pas dans les Écritures pour déduire le moment de sa venue
[…]. Et celui qui éprouve des doutes [sur sa venue] ou qui minimise sa
dignité — renie la Tora qui l’a annoncé explicitement dans la péricope
de Balaam [Nb 23-24], et dans celle de Nitsavim [Dt 30, 3-5] […] il ne
peut y avoir de roi en Israël en dehors de la maison de David et de la
postérité de Salomon [voir 2 S 7,13]. Et quiconque diffère d’opinion à
propos de cette famille renie Dieu, béni soit-il, et les paroles de ses
prophètes (14).
Il en va différemment dans la doctrine chrétienne, qui enseigne,
depuis de longs siècles, qu’avant d’advenir en gloire dans les cieux,
après la fin du monde, la royauté de Dieu s’exerce mystérieusement, au
fil des siècles, dans l’âme des fidèles, conformément à ces versets de
l’Évangile : « Les Pharisiens lui ayant demandé quand viendrait le
Royaume de Dieu, il leur répondit : “La venue du Royaume de Dieu ne se
laisse pas observer, et l’on ne dira pas : Voici : il est ici ! Ou
bien : il est là ! Car voici que le Royaume de Dieu est au milieu [ou
au-dedans] de vous”. » (Lc 17,20-21)
Pourtant la prière que Jésus enseigna à ses disciples — et qui est
passée à la postérité chrétienne sous le nom de « Notre Père » —
comporte une demande qui semble accréditer le caractère terrestre du
Règne de Dieu, à la fin des temps : « Que ton règne advienne… sur la
terre comme au ciel » (Mt 6,10). Un commentaire latin de cette prière,
dû à l’évêque Cyprien de Carthage (iiie s.) le comprend ainsi :
Nous demandons que le règne de Dieu s’actualise en nous, dans le même
sens où nous implorons qu’en nous son nom soit sanctifié. [...] Nous
demandons que vienne notre règne — celui que Dieu nous a promis et que
le Christ nous a acquis par son sang et sa passion — afin qu’après avoir
été serviteurs dans ce siècle, nous régnions avec le Christ dominateur.
Lui-même nous en donne l’assurance, quand il dit : « Venez, les bénis
de mon Père. Recevez le royaume préparé pour vous dès le commencement du
monde. » [cf. Mt 25,34] (15).
Mais cette interprétation a contre elle l’opinion de nombreux
biblistes qui estiment qu’à s’en tenir au texte grec de l’Évangile de
Matthieu, les mots « sur la terre comme au ciel » se rapportent
exclusivement à la demande qui précède : « que ta volonté soit faite ».
L’un d’entre eux, toutefois, a voulu aller plus loin et a réalisé une
enquête approfondie sur ce point précis (16). Il évoque, entre autres,
un passage du Catéchisme du Concile de Trente (1566) :
Mais pour mieux faire comprendre la force et la valeur de cette
demande, le Pasteur aura grand soin de montrer aux Fidèles que ces
mots : sur la terre comme au ciel peuvent s’appliquer et s’étendre à
chacune des trois premières parties de l’Oraison Dominicale, et
signifier : que votre Nom soit sanctifié sur la terre comme au ciel ;
que votre Royaume arrive sur la terre comme au ciel ; que votre Volonté
soit faite sur la terre comme au ciel (17).
Et Carmignac de proposer « une autre solution [qui] serait plus
conforme au génie de la langue française : si l’on veut montrer
clairement qu’un complément affecte plusieurs verbes, on le place
normalement avant ces verbes. Ainsi l’on obtiendrait une traduction
limpide :
Notre Père du Ciel !
Que, sur terre comme au Ciel,
Votre Nom soit glorifié,
Votre Règne arrive, Votre Volonté soit faite (18) !
À quoi il convient d’ajouter qu’une solide tradition chrétienne,
apostolique et patristique, tient que le royaume de Dieu s’instaurera
sur la terre et durera au moins mille ans. Elle se fonde principalement
sur l’Apocalypse de Jean (20,2-7), et on peut en lire plusieurs
témoignages, difficilement réfutables, chez des auteurs aussi vénérables
que Justin et Irénée de Lyon. Pour ces auteurs et pour d’autres
ultérieurs, la « première résurrection » (voir Ap 20,5-6) aura lieu sur
terre, et ces ressuscités régneront avec le Christ sur la terre.
Justin (IIe s.) écrit :
[Le juif Tryphon apostrophe Justin :] Mais, dis-moi, professez-vous
réellement que cet emplacement de Jérusalem sera rebâti ? que votre
peuple s’y réunira avec le Messie et en même temps avec les patriarches,
les prophètes, les saints de notre race…
[Réponse de Justin :] … Je t’ai déclaré que moi-même et beaucoup
d’autres avons ces idées, au point que nous savons parfaitement que cela
arrivera ; beaucoup, par contre, même chrétiens de doctrine pure et
pieuse, ne le reconnaissent pas, je te l’ai signalé […]. Pour moi et les
chrétiens d’orthodoxie intégrale, tant qu’ils sont, nous savons qu’une
résurrection de la chair arrivera pendant mille ans dans Jérusalem
rebâtie, décorée et agrandie, comme les prophètes Ezéchiel, Isaïe et les
autres l’affirment [19].
Irénée de Lyon (IIIe s.) déclare :
Ainsi donc, certains se laissent induire en erreur par les discours
hérétiques au point de méconnaître les « économies » de Dieu et le
mystère de la résurrection des justes et du royaume qui sera le prélude
de l’incorruptibilité […]. Aussi est-il nécessaire de déclarer à ce
sujet que les justes doivent d’abord, dans ce monde rénové, après être
ressuscités à la suite de l’Apparition du Seigneur, recevoir l’héritage
promis par Dieu aux pères et y régner ; ensuite seulement aura lieu le
jugement de tous les hommes. Il est juste, en effet, que, dans ce monde
même où ils ont peiné et où ils ont été éprouvés de toutes les manières
par la patience, ils recueillent le fruit de cette patience ; que, dans
le monde où ils ont été mis à mort à cause de leur amour pour Dieu, ils
retrouvent la vie ; que, dans le monde où ils ont enduré la servitude,
ils règnent […]. Il convient donc que le monde lui-même, restauré en son
état premier, soit, sans plus aucun obstacle, au service des justes
(20).
Ces conceptions de Justin, d’Irénée de Lyon, et d’autres Pères de
l’Église et écrivains ecclésiastiques n’ont pas bénéficié, dans
l’Église, de la réception qu’elles méritent. Des théologiens
contemporains n’ont pas hésité à les taxer de millénarisme (au sens
hérétique du terme) (21). Il faut souhaiter que cette doctrine
patristique vénérable soit réhabilitée, car ses conceptions sont très
consonantes avec celles de la Tradition juive concernant les yemot
hamashiah (« temps du Messie ») (22) et les hevleï hamashiah (« douleurs
de l’enfantement du Messie ») qui, aux dires des prophètes, précéderont
l’ère messianique, thème que l’on trouve également dans le Nouveau
Testament : « On se dressera, en effet, nation contre nation et royaume
contre royaume. Il y aura par endroits des tremblements de terre, il y
aura des famines. Ce sera le commencement des douleurs de
l’enfantement. » (Mc 13,8)
3. Jésus peut-il être le Messie promis aux Juifs,
alors que tant de prophéties ne sont pas accomplies et qu’Élie n’est pas
venu ?
3.1. Apocatastase et « christologie du non-accomplissement »
La question de l’accomplissement et/ou du non-accomplissement
intégral des prophéties est cruciale. Ce thème ne ressortit pas
davantage que le précédent à la pure spéculation ni à quelque tendance
mystique débridée. Pourtant, du fait de la carence de la réflexion
théologique à ce propos, c’est à un auteur à l’approche mystique (mais
non « débridée »), qu’il est fait appel ici pour exposer, au moins dans
ses grandes lignes, cette problématique. Maheqra est, à notre
connaissance, le seul auteur à avoir traité, de manière novatrice —
quoique très audacieuse et assez dérangeante — de ce que certains
appellent l’« eschatologie déjà réalisée ». Il a élaboré une théorie
originale pour tenter de rendre compte de l’étrangeté apparente de la
croyance chrétienne en un Christ qui échoue, alors qu’il s’est proclamé
lui-même Messie, et dont l’Église proclame, dans son Credo, qu’« il est
ressuscité d’entre les morts », qu’il « viendra juger les vivants et les
morts » et que « son règne n’aura pas de fin (23) ». Selon cet auteur,
pour résoudre toutes les apories qui découlent de l’interprétation
traditionnelle du Nouveau Testament, il faut recourir à une notion, dont
l’extraordinaire fécondité pour la compréhension de l’histoire du salut
est passée totalement inaperçue depuis des siècles, et qui est
totalement absente de la théologie actuelle : l’apokatastasis
(« apocatastase »).
Il serait trop long d’exposer ici le sens de cette notion et ses
implications en matière d’eschatologie, tant chrétienne que juive.
Disons simplement que le terme — qui figure une seule fois (hapax) dans
le Nouveau Testament (Ac 3,21) — ne connote pas uniquement le
« rétablissement », comme le comprennent la quasi-totalité des
traducteurs du Nouveau Testament, que critique Maheqra, en ces termes :
"Cette traduction déficiente escamote involontairement la portée
prophétique et eschatologique de ce passage capital des Actes des
Apôtres. La notion grecque d’apocatastase, n’a pas ici la connotation,
chère aux anciens Grecs, d’une « restauration de la création dans son
état primordial », après une catastrophe ultime, selon la conception
d’un retour des astres à leur point de départ (restauration cyclique),
ainsi que pourrait le laisser croire la traduction courante (Bible de
Jérusalem) : « jusqu’au temps de la restauration universelle dont Dieu a
parlé par la bouche de ses saints prophètes ». Elle n’a rien à voir non
plus avec la doctrine origénienne — condamnée par l’Église — d’un salut
de tous, y compris des damnés. Le terme « apocatastase », dans ce
verset, a le sens de règlement définitif et plénier de la situation
d’incapacité où se trouvait son peuple de bénéficier de
l’accomplissement plénier des promesses divines. Et plutôt que de
traduire mot à mot le terme apokatastasis, aux connotations aussi riches
que peu familières à nos mentalités, avec pour résultat d’en obscurcir
le sens, on en proposera la paraphrase suivante : « jusqu’aux temps de
la restauration définitive de tout ce dont Dieu a parlé par la bouche de
ses saints prophètes d’autrefois (24). »"
D’un point de vue chrétien, grâce à ce concept d’« apocatastase », il
semblerait donc qu’il y ait place pour une christologie qui assume une
part de non-accomplissement plénier. Et s’agissant du
non-accomplissement de toutes les prophéties, Maheqra ajoute :
" [...] Toutefois, l’accomplissement des Écritures et la prédication
du Royaume des cieux, qui en est le corollaire, constituent à la fois le
point commun et la pomme de discorde entre le judaïsme et l’Église,
voire entre les chrétiens eux-mêmes. Pour ces derniers, le Christ est
l’aboutissement des Écritures. Ils se basent sur des passages comme
celui-ci : Si vous croyiez Moïse, vous me croiriez aussi, car il a écrit
de moi (Jean 5, 46).
Mais Moïse n’a pas écrit que du Christ. Maints
autres textes, sans contredire le christocentrisme de l’Écriture, en
étendent, au contraire, la perspective. À preuve : Et, commençant par
Moïse et parcourant tous les Prophètes, [Jésus] leur interpréta, dans
toutes les Écritures, ce qui le concernait. Et encore : Puis il leur
dit : Telles sont bien les paroles que je vous ai dites, quand j’étais
encore avec vous : il faut que s’accomplisse tout ce qui est écrit de
moi dans la Loi de Moïse, les Prophètes et les Psaumes. Et enfin : Car,
je vous le dis, il faut que s’accomplisse en moi ceci qui est écrit : Il
a été compté parmi les scélérats. Aussi bien, ce qui me concerne touche
à sa fin. (Lc 24, 27.44 ; Lc 22, 37).
Il y a donc, dans les
Écritures, ce qui concerne le Christ seul, et dont l’essentiel est déjà
accompli, et ce qui concerne le Peuple de Dieu, les nations, le devenir
des individus et de la création tout entière, et qui reste à accomplir.
Jésus Lui-même en témoigne, lorsqu’il dit : Ne croyez pas que je sois
venu abolir la Loi ou les Prophètes. Je ne suis pas venu abolir mais
accomplir. Car je vous le dis, en vérité : avant que ne passent le ciel
et la terre, pas un i, pas un point sur l’i, ne passera de la Loi, que
tout ne soit réalisé. Et ailleurs, en d’autres termes : J’aurais encore
beaucoup à vous dire, mais vous ne pouvez pas le porter à présent. Mais
quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous introduira dans la
vérité tout entière, car il ne parlera pas de lui-même, mais ce qu’il
entendra, il le dira et il vous dévoilera les choses à venir. (Mt 5,
17-18 ; Jn 16, 12-13) (25)."
Ajoutons que la série de prophéties des tribulations de la fin des
temps, émise par Jésus lui-même (surtout en Mt 24 = Mc 13 = Lc 21),
atteste éloquemment qu’il ne peut avoir accompli ce qu’il annonce
lui-même pour un futur lointain, et qui, à ce jour, ne s’est pas encore
réalisé.
3.2. Apocatastase et retour d’Élie
Une autre manière d’aborder une « christologie du non-accomplissement
total » consiste à examiner attentivement le rapprochement opéré par
les Évangiles entre Jean le Baptiste et Élie. On sait que, pour le
judaïsme, la venue du Messie doit être précédée par le retour de ce
prophète jadis enlevé au ciel (2 R 2). Il s’agit d’un dogme fondamental
de la foi juive, puisque l’annonce en figure dans un oracle du prophète
Malachie : « Voici que je vais vous envoyer Élie le prophète, avant que
n’arrive le Jour de l’Eternel, grand et redoutable. Il ramènera le cœur
des pères vers leurs fils et le cœur des fils vers leurs pères, de peur
que je ne vienne frapper le pays d’anathème. » (Ml 3,23-24) L’un des
passages les plus mystérieux pour certains, et irritants pour d’autres,
est l’affirmation abrupte de Jésus concernant le retour d’Élie :
Et les disciples lui posèrent cette question : « Que disent donc les
scribes, qu’Élie doit venir d’abord ? » Il répondit : « Oui, Élie doit
venir et tout réaliser [ou “remettre en état”, verbe grec :
apokathistanai], mais je vous le dis, Élie est déjà venu, et ils ne
l’ont pas reconnu, mais l’ont traité à leur guise. De même le Fils de
l’homme aura lui aussi à souffrir d’eux ». Alors les disciples
comprirent que ses paroles concernaient Jean le Baptiste. (Mt 17,10-13
On notera le parallèle que fait Jésus entre le sort de Jean le
Baptiste et le sien. Le propos n’est pas anodin, mais il n’est pas
possible de l’approfondir ici (26). Remarquable est le fait
qu’immédiatement après avoir été admis dans l’intimité surnaturelle de
la « transfiguration » de Jésus, au Tabor, les disciples se réfèrent à
leurs scribes pour vérifier si Jésus est bien le Messie (voir Mt 17,10),
puisque le retour d’Élie, qui doit précéder l’avènement du Messie,
selon la tradition juive, n’a pas encore eu lieu.
Dans un autre passage évangélique, l’affirmation de l’identité Élie/Jean le Baptiste est nuancée d’un cum grano salis
significatif, d’autant qu’elle se conclut par un leitmotiv qu’on ne
trouve que dans les paraboles : « Et lui, si vous voulez bien l’admettre
[ei thelete dexasthai], il est cet Élie qui doit venir. Que celui qui a
des oreilles entende ! » (Mt 11,14-15) Mais la plus sérieuse objection
contre le bien fondé de cette équivalence entre Élie et Jean le Baptiste
est la dénégation de ce dernier. L’Évangile la relate en ces termes :
« “Qu’es-tu donc ?”, lui demandèrent-ils. “Es-tu Élie ?” Il dit : “Je ne
le suis pas”. » (Jn 1,21)
Pourtant, aujourd’hui encore, une immense majorité de chrétiens
croient, sans hésitation, que Jean le Baptiste était Élie et qu’il ne
faut plus attendre la venue eschatologique de ce dernier.
Or, la position du judaïsme, à propos du rôle eschatologique d’Élie,
est claire et sans problème. Le Messie étant encore à venir, son
précurseur et coadjuteur, Élie, l’est aussi. C’est pourquoi la coutume
pieuse veut qu’on laisse la porte ouverte lors de la célébration du
Séder de Pesah, au cours duquel on remplit même un verre pour Élie (cos
eliahou), ce dernier étant susceptible de venir à l’improviste. Et au
terme du Shabbat, on chante pour hâter sa venue : « De mémoire bénie et
de bon augure, qu’Elie le prophète (ter) vienne à nous promptement avec
le Messie, fils de David (27). »
Précisons enfin, sans pouvoir nous étendre ici sur ce point qui
mérite examen, qu’un nombre considérable de Pères de l’Église, ont
exprimé leur foi en un retour d’Élie, avec cette nuance apologétique de
taille, toutefois, que, selon plusieurs d’entre eux, le prophète aura
pour mission de convertir le peuple juif à la foi au Christ avant que ce
dernier ne vienne sur les nuées du ciel (28).
4. L’État d’Israël : fait politique sans
rapport avec l’histoire du salut, ou « prémices de l’émergence de la
rédemption d’Israël » ?
Il n’échappera à personne que cette problématique est sans doute la
plus controversée, voire la plus explosive, des quatre ici proposées.
Qu’il soit bien clair cependant, que le débat envisagé sur ce thème n’a
aucune perspective politique. Malheureusement, l’escalade meurtrière,
qui a rendu inexpiable le conflit pour la terre entre Israéliens et
Palestiniens (29), rend pratiquement impossible d’éviter qu’une telle
entreprise ne soit réputée remplie d’arrière-pensées sionistes, avec
toute la charge péjorative que cet adjectif recèle dans l’esprit des
ennemis irréductibles de ce fondement même de l’État juif qu’est le
sionisme.
4.1. Perspective juive
Tout d’abord, il convient de préciser qu’au sein même du judaïsme, la
controverse a longtemps fait rage autour de la question de
l’opportunité de rassembler les Juifs sur une terre (fût-ce celle de
leurs ancêtres) et d’y créer un État, dont nul n’ignorait qu’il serait
laïc. Les religieux s’opposaient de toutes leurs forces à cette
perspective, arguant principalement que seul le Messie pouvait
rassembler les exilés sur la Terre sainte et y instaurer la royauté de
Dieu (30). Quant aux agnostiques et aux non pratiquants juifs, ils
mettaient en garde contre le risque d’une reviviscence de
l’antisémitisme, que ne manqueraient pas de susciter, selon eux,
l’activisme et le propagandisme des sionistes, ou partisans du retour à
Sion (nom poétique de Jérusalem). Et même de nos jours, en Israël, des
Juifs de premier plan, religieux ou non, sont extrêmement critiques
envers l’État d’Israël, précisément au nom de leur conception du
sionisme (31). À ce propos, l’une des questions les plus chaudement
débattues est celle de la prétendue dépossession, par les Israéliens, de
territoires réputés palestiniens, et de son corollaire : le problème
des réfugiés. Un très grand nombre de livres et surtout d’articles
incriminent Israël de manière tellement passionnelle et injuste que les
quelques rares mises au point impartiales, ou favorables à Israël sont
submergées et quasiment inconnues du grand public (32).
Il ne faudrait cependant pas croire que l’aspiration des Juifs à
revenir sur la terre des ancêtres date des débuts du sionisme politique
(vers la fin du xixe s.). Depuis la fin de son existence nationale en
Terre sainte, le peuple juif dispersé dans ses lieux d’exil par toute la
terre n’a jamais cessé d’espérer un retour dans sa patrie et a exprimé
cette nostalgie dans sa prière et sa littérature. À la fin du repas
annuel de la Pâque, les Juifs du monde entier répètent le vœu : « L’an
prochain à Jérusalem », et lors des mariages juifs, le fiancé récite :
« Si je t’oublie, Jérusalem, que ma droite se dessèche » (Ps 137,5).
Rappelons que le sionisme est la forme politique qu’a prise le mouvement
de restauration de l’autodétermination du peuple juif dans sa patrie et
le rétablissement de la souveraineté juive dans le pays d’Israël (33).
Le passage suivant de la Déclaration d’Indépendance d’Israël est
significatif à ce sujet : « Nous lançons un appel au peuple juif de par
le monde à se rallier à nous dans la tâche d’immigration et de mise en
valeur, et à nous assister dans le grand combat que nous livrons pour
réaliser le rêve poursuivi de génération en génération : la rédemption
d’Israël » (34).
« Rédemption d’Israël » : formulation audacieuse. On la trouve, sous
une forme encore plus forte et poétique — « re’shit tsmihat ge’ulatenu »
(« prémices de l’émergence de notre rédemption ») — dans la Prière pour
l’État d’Israël, qui figure dans presque tous les recueils de prière
(36). Elle fit scandale et a encore ses détracteurs juifs, religieux
aussi bien que non religieux, y compris chez les plus sionistes d’entre
eux, tel Y. Leibovitz, aujourd’hui disparu :
"Ce qui éveille en moi un sentiment proche du dégoût, c’est
d’entendre, non seulement le jour de l’indépendance, mais chaque
Shabbat, la prière pour le salut de l’État — dont on dit qu’il est « le
début de notre rédemption ». Cet État n’a été créé ni à cause du
judaïsme, ni dans l’intérêt du judaïsme. Il est le cadre de
l’indépendance nationale du peuple juif. De là à en faire « le début de
notre rédemption », c’est profaner le concept de rédemption" (36).
Plus modérée dans son expression, et se plaçant davantage sur le
terrain de l’éthique que sur celui de la théologie, est la position du
regretté Ephraïm Urbach (37). En voici un bref résumé, emprunté à un
spécialiste chrétien :
"E. Urbach rappelle [...] que la formule « Début de la Rédemption » a
été employée par le Talmud pour désigner les guerres qui précèdent la
rédemption et que, si « nous sommes encore dans les guerres », personne
ne peut dire que ces guerres soient celles qu’annonce le Talmud et qui
précèdent la rédemption messianique [...]. Je cite ici les dernières
lignes de son examen de la « Rédemption selon les Sages… » : « Je n’aime
pas me servir de la formule “Début de la croissance de notre
Rédemption”, mais je voudrais dire que nous devons voir notre situation
comme une grande réalisation qui ouvre et qui donne la possibilité de
continuer, si nous ne faisons pas abstraction de la réalité, et si nous
ne nous voyons pas comme un peuple élu selon une conception déformée du
concept de l’élection. Nous devons nous rappeler que le processus de la
rédemption dans lequel nous nous trouvons est encore ce qui se déroule
dans le monde du mérite et du devoir, de la responsabilité et aussi de
l’attente d’une rédemption supplémentaire. » (38).
Un dernier mot sur la formule « début de la Rédemption ». Il ne
faudrait pas imaginer qu’il s’agit d’une innovation sioniste basée sur
un syncrétisme douteux entre religion et chose politique, et assorti de
conceptions bibliques de nature fondamentaliste — bien que certains,
Juifs autant que chrétiens, utilisent, souvent et sans discrimination,
cette formule à l’appui de leurs vues hasardeuses sur l’imminence de
l’approche de la « fin des temps ». En fait, l’expression est tirée du
Talmud de Babylone (Megillah 17b), et se dit, en araméen : athalta
di-ge’ullah. Leenhardt a fort opportunément traduit le commentaire, que
fait, de cette expression, le grand commentateur médiéval de la Bible,
Rachi (1040-1105) :
Bien que cette Rédemption ne soit pas la Rédemption de l’Exil, mais
celle par laquelle nous sommes rédimés des détresses qui viennent sur
nous sans cesse — nous voyons en effet que la bénédiction du
Rassemblement [des Exilés, 10e Bénédiction], celle de la Construction de
Jérusalem [14e bénédiction], et celle du « Rejeton de David » [15e
bénédiction] sont des bénédictions ayant chacune leur valeur propre
indépendamment de cette Rédemption [de la 7e bénédiction] —, bien qu’il
en soit ainsi, du moment que le nom de Rédemption lui est appliqué, [nos
Maîtres] l’ont établie comme septième bénédiction (39).
4.2. Perspective chrétienne
Du point de vue chrétien, la question de l’État d’Israël peut être
appréhendée sous un angle théologique ou éthique. Quelques rares textes
catholiques ne font, il faut bien l’avouer, qu’effleurer le sujet, avec
embarras et souci visible de ne pas tomber sous le coup du soupçon de
soutien à Israël. Comme cet extrait des Notes pour une correcte
présentation des Juifs et du judaïsme, qui prend savamment ses distances
par rapport à ce problème épineux :
Les chrétiens sont invités à comprendre cet attachement religieux,
qui plonge ses racines dans la tradition biblique, sans pour autant
faire leur une interprétation religieuse particulière de cette relation
[…]. Pour ce qui concerne l’existence de l’État d’Israël et ses options
politiques, celles-ci doivent être envisagées dans une optique qui n’est
pas en elle-même religieuse, mais se réfère aux principes communs du
droit internationa (40).
Le premier texte théologique d’Église qui aborde le problème et, sauf
erreur, le seul de cette nature, est le document intitulé L’attitude
des chrétiens à l’égard du judaïsme. Orientations pastorales du Comité
épiscopal pour les relations avec le judaïsme (France 1973). On peut y
lire, entre autres :
Il est actuellement plus que jamais difficile de porter un jugement
théologique serein sur le mouvement de retour du peuple juif sur « sa »
terre. En face de celui-ci, nous ne pouvons tout d’abord oublier, en
tant que chrétiens, le don fait jadis par Dieu au peuple d’Israël d’une
terre sur laquelle il a été appelé à se réunir (cf. Genèse 12, 7 ; 26,
3-4 ; Isaïe 43, 5-7 ; Jérémie 16, 15 ; Sophonie 3, 20)…
"[...] C’est une question essentielle, devant laquelle se trouvent
placés les chrétiens comme les juifs, de savoir si le rassemblement des
dispersés du peuple juif, qui s’est opéré sous la contrainte des
persécutions et par le jeu des forces politiques, sera finalement ou
non, malgré tant de drames, une des voies de la justice de Dieu pour le
peuple juif et, en même temps que pour lui, pour tous les peuples de la
terre. Comment les chrétiens resteraient-ils indifférents à ce qui se
décide actuellement sur cette terre (41) ?"
Par ailleurs, au moins deux théologiens français ont traité, de
manière particulièrement honnête et courageuse, la difficile question du
sens, pour la théologie chrétienne, du retour des Juifs dans leur
terre : le père Michel Remaud, directeur de l’Institut français
Albert-Decourtray d’études juives à Jérusalem (42), et le père Jean
Dujardin, qui fut secrétaire du Comité épiscopal français pour les
relations avec le judaïsme de 1987 à 1999. L’un et l’autre ont consacré
plusieurs pages de leurs ouvrages respectifs à cette question (43).
Dans un chapitre qu’il a intitulé « Israël et sa terre (44) », Michel
Remaud procède à un survol de l’origine divine du don de la terre et
des avatars de la relation d’Israël à cette terre, dont la permanence
dépend de la fidélité du peuple à son Dieu et aux commandements qu’il
lui a donnés. Il précise toutefois :
"La nécessité de fidélité à l’alliance ne contredit pas le caractère
irrévocable du don : si le péché, au témoignage de l’Écriture, entraîne
l’exil, le retour ne dépend ni exclusivement ni même premièrement de la
conversion. Les prophètes mettent au contraire au premier plan
l’initiative gratuite de Dieu, qui ramène Israël sur sa terre par
fidélité à lui-même et qui change le cœur de l’homme (cf. Ezéchiel 36,
16-38 ; Amos 9, 8-15, etc.) […]. Ajoutons que les perspectives
universalistes ouvertes par les oracles eschatologiques des prophètes ne
mettent pas un terme à la relation d’Israël à sa terre : à la fin des
temps, les nations elles-mêmes ramèneront à Sion les exilés du peuple
élu (Isaïe 66, 18-21…)" (45).
Après avoir constaté et expliqué la rareté du thème de la terre dans
le Nouveau Testament, M. Remaud met en garde contre la tentation d’en
tirer la conséquence :
"… que ce thème n’a plus d’importance dans l’économie instaurée par
la résurrection de Jésus, que toutes les promesses trouvent dans le
Christ leur accomplissement, et que le don de la terre n’a plus
désormais qu’une signification spirituelle [et] que le rassemblement du
peuple juif qui se réalise aujourd’hui sur la terre de la Bible doit
être interprété en termes purement profanes" (46).
Après avoir reconnu que « la théologie chrétienne est presque muette
sur ce sujet », il cite ce propos d’un autre théologien : « Rien dans la
théologie ou l’histoire chrétienne n’a fourni à l’Église les moyens
conceptuels de se trouver en accord avec la nouvelle réalité, ce qui a
fortement contribué au résultat contraire (47). »
Retenons encore cette réflexion importante de M. Remaud, qui figure
dans un chapitre qu’il faut lire dans son intégralité, tant il est riche
sur le plan de la théologie biblique comme sur celui de la théologie
d’Israël :
"À moins d’affirmer que le lien entre le peuple juif et la Bible
serait définitivement rompu — opinion dont le moins que l’on puisse dire
est qu’elle ne serait pas en accord avec les affirmations du dernier
concile —, on voit mal comment on pourrait nier tout rapport entre le
rassemblement partiel du peuple juif sur la terre de ses ancêtres et les
promesses bibliques. Le lecteur attentif de l’Écriture pourra remarquer
d’ailleurs, que ce sont les mêmes textes qui annoncent le
renouvellement de l’alliance et la fin de la dispersion du peuple juif.
Le chapitre 36 d’Ézéchiel, qui est une des principales références
chrétiennes sur la nouvelle alliance, mêle intimement cette promesse à
celle du retour d’Israël sur sa terre, au point qu’on ne peut dissocier
les deux thèmes sans mutiler l’Écriture elle-même. Le retour y apparaît
comme le signe de l’accomplissement des promesses eschatologiques : « Je
vous prendrai d’entre les nations, je vous rassemblerai de tous les
pays et je vous ramènerai sur votre sol. Je ferai de vous une aspersion
d’eau pure et vous serez purs [...]. Je vous donnerai un cœur neuf et je
mettrai en vous un esprit neuf… » (Ez 36, 24-28). On ne saurait donc,
sans arbitraire, interpréter certains versets ou fragments de versets au
sens littéral et allégoriser les autres, alors que le charnel… est le
signe du spirituel. Et si l’on objecte que la résurrection de Jésus rend
désormais inutile toute autre forme d’accomplissement, ou que la
réalisation des promesses bibliques, après la proclamation de
l’Évangile, ne serait qu’une régression vers le moins parfait, on pourra
toujours répondre que Dieu a le pouvoir et la liberté de « faire ceci
sans omettre cela » (cf. Matthieu 23, 23)" (48).
Quant au père Jean Dujardin, le contenu du long chapitre de son
ouvrage consacré au « retour du peuple juif sur la terre d’Israël (49) »
se ressent de sa formation d’historien. On n’y trouve donc pas les
perspectives exégétiques, voire midrashiques, du père Remaud, qui n’est
pas seulement un théologien, mais maîtrise également les sources juives
(50). Par contre, on y découvre des détails significatifs qui jettent
une lumière instructive sur certains aspects, trop peu soulignés, voire
quasiment inconnus, des chercheurs, de la gêne et de la réticence
catholiques face à la renaissance nationale du peuple juif. Tel, entre
autres, le développement suivant :
"Disons-le clairement : l’Église ne s’attendait pas à une telle
éventualité et la renaissance de l’État d’Israël l’a surprise dans sa
vision des Lieux saints et du Proche-Orient. Elle s’était habituée [...]
à l’idée que le judaïsme n’était plus qu’une religion, que les juifs
formaient encore, ici et là des groupes ethniques historico-culturels,
mais qu’en tout état de cause, le lien avec la terre d’Israël n’était
plus qu’un élément du folklore religieux [...] les chrétiens pensaient
que la condition juive était, théologiquement, la condition d’un peuple
dispersé [...]. Aussi pour reprendre en compte l’existence juive sur la
Terre d’Israël, il fallait que l’Église remette en question cette
interprétation théologique, certes jamais officiellement élaborée mais
constamment présente dans les esprits" (51).
On trouve encore, dans l’ouvrage du père Dujardin, ce rappel du refus
opposé à Herzl par le cardinal Merry del Val, et surtout par Pie X :
"Nous ne pouvons empêcher les Juifs de se rendre à Jérusalem, mais
nous ne pouvons en aucun cas lui accorder notre soutien. Même si elle
n’a pas toujours été sainte, la Terre de Jérusalem a été sanctifiée par
la vie de Jésus-Christ. En tant que chef de l’Église, je ne peux vous
dire autre chose : Les Juifs n’ont pas reconnu notre Seigneur, aussi,
nous ne pouvons pas reconnaître le peuple juif [soulignement du père
Dujardin" (52).
Optimiste, le père Dujardin estime que le contenu de l’accord
fondamental conclu entre le Saint-Siège et l’État d’Israël va plus loin
que la nature intrinsèque — diplomatique et politique — de ce document.
Il y décèle « au moins une portée éthique ». À l’appui de sa vue
personnelle, il se réfère à un communiqué du Comité épiscopal français
de décembre 1993, qui « parle de légitimité du retour du peuple juif sur
la Terre d’Israël ». Mais, de son propre aveu, la conséquence optimiste
qu’il en tire ne figure pas dans cet accord fondamental :
"S’ouvre alors une interrogation plus religieuse que l’accord
n’évoque pas, mais qui est en toile de fond. Pendant des siècles, la
pensée la plus commune dans l’Église a donné une interprétation
religieuse de la dispersion juive, elle y a vu la conséquence d’une
faute théologique. Elle a aussi donné de cette dispersion une
interprétation morale : une punition permanente pour le peuple juif.
Dans ce contexte, l’accord fondamental doit être lu par les Juifs au
minimum comme l’assurance que l’Église a enfin « tourné le dos » à cette
interprétation tragique et lourde de conséquence [...] elle donne au
moins à penser indirectement qu’ayant renoncé à l’interprétation
négative, il est légitime, du point de vue éthique, d’y voir la
réalisation d’une certaine justice" (53)…
Enfin, à propos du silence (relatif) du Nouveau Testament sur le rôle
de la terre dans l’économie nouvelle, inaugurée par le Christ, selon la
foi chrétienne, le père Dujardin prend ses distances avec la conception
traditionnelle selon laquelle il faut y voir le signe de « la caducité
de l’enseignement de l’Ancien Testament sur ce point précis ». Son
argumentation, même si elle n’est pas entièrement nouvelle — elle fait
partie de l’argumentaire biblique d’un nombre non négligeable d’artisans
du dialogue entre chrétiens et Juifs —, devrait devenir commune en
milieu chrétien :
"Les chrétiens, païens d’origine, auront à s’appuyer sur d’autres
médiations de la promesse divine à partir du Christ et de l’Église. Mais
cela ne signifie pas la négation du rôle de la terre pour le peuple
d’Israël et l’importance des événements historiques le concernant qui
s’y jouent. On le voit dans la scène de l’Ascension (Actes 1, 6-7). À la
question des disciples : « Seigneur, est-ce maintenant que tu vas
restaurer la royauté en Israël ? » Jésus répond : « Il ne vous
appartient pas de connaître les temps et les moments. » Jésus ne dit pas
que la question est stupide [...]. Cela nous conduit à cette
conclusion. Pas plus que la vocation permanente d’Israël n’a été abolie
par l’Église, rien dans le Nouveau Testament ne nous permet de penser
que le don de la Terre au peuple d’Israël a été annulé par Dieu" (54).
Quoi qu’il en soit de l’enjeu théologique de l’existence d’Israël, il
n’en demeure pas moins qu’est posée là une interpellation éthique.
Déjà, en 2001, dans un article consacré à l’isolement d’Israël et publié
dans une revue bénédictine, j’y allais d’une réflexion en ce sens :
"Dans l’esprit des pionniers juifs (55), le sionisme apparaissait
comme la seule réponse adéquate aux violentes persécutions antisémites
auxquelles n’avaient mis un terme ni l’émancipation ni le loyalisme
national dont les Juifs avaient pourtant fait la preuve dans tous les
pays où ils s’étaient, dans l’ensemble, bien intégrés. Les théoriciens
de ce mouvement étaient convaincus que leur peuple devait prendre en
mains son destin politique et social, au lieu de subir la loi et les
avanies des nations où il n’avait été, durant de longs siècles, qu’un
hôte tout juste toléré, souvent humilié, menacé, spolié, voire mis à
mort, et toujours contraint de composer et de ruser pour survivre et
préserver ses acquis. À leurs yeux, seul un État fondé par des Juifs sur
une terre juive, pouvait rédimer leur peuple, responsable, par veulerie
ou résignation, de son image, alors universellement répandue, d’usurier
ou de colporteur cruel et cupide. Qui eût pu prévoir que la piètre
terre lointaine, qui n’était alors l’objet d’aucune revendication
nationale, et dont on n’eût jamais imaginé qu’elle serait un jour
disputée au peuple qui en était issu, deviendrait un piège pour les
Juifs qui, las d’être les parias des nations, avaient cru — tragique
naïveté ! — recouvrer leur dignité et gagner le respect de l’humanité en
devenant enfin une nation comme les autres ?" (56).
Depuis, on le sait, les choses se sont envenimées au point que
l’hostilité quasi universelle, dont est l’objet l’État d’Israël, ne peut
plus être considérée honnêtement comme la conséquence d’une saine
réaction de nations et de personnes sincèrement éprises de justice et
scandalisées par les exactions de l’État juif. La violence, l’excès, la
grossièreté, voire l’antisémitisme le plus abject des discours
accusateurs, sans parler des crimes odieux dont est victime la
population civile israélienne, trahissent la nature haineuse, perverse
et, au mieux, irrationnelle de cette hostilité, à laquelle on a fort
justement donné le nom d’antisionisme (57).
(Signalons, au passage,
que, dans une déclaration conjointe faite à l’issue de la 18e rencontre
du Comité International de Liaison entre Catholiques et Juifs, à Buenos
Aires (5-8 juillet 2004), l’Église catholique vient de condamner
l’antisionisme en ces termes : « Nous nous sentons encouragés par les
fruits de nos efforts collectifs qui incluent la reconnaissance de la
relation d’alliance unique et intacte entre Dieu et le peuple juif et le
rejet total de l’antisémitisme sous toutes ses formes, y compris
l’antisionisme comme manifestation plus récente de l’antisémitisme. »)
(58).
Le monde protestant n’est pas en reste, bien qu’il soit moins
prodigue de déclarations en cette matière. Il est, en effet, traversé
par des courants d’idées divergents et même antagonistes à propos de
l’antisionisme. En témoigne un colloque, organisé le 2 mai 2004, par la
Fédération Protestante, à Paris, en partenariat avec le Conseil
Représentatif des Institutions juives de France, sur le thème « Juifs et
Protestants aujourd’hui ». Entre autres interventions éclairantes, il
convient de signaler une remarquable contribution de Florence Taubmann,
pasteur à l’oratoire du Louvre (59). Sa réflexion s’articule autour des
différentes perceptions qui ont cours, dans le monde protestant, à
propos du sionisme et du conflit palestino-israélien :
"1) Un prosionisme religieux s’appuyant directement sur la Bible, et
ayant, chez certains, une dimension eschatologique (le retour des juifs à
Sion annonce la fin des temps et la révélation du Messie au monde
entier, le Messie étant le Christ enfin reconnu), alors que, chez
d’autres, il traduit seulement leur joie du retour du peuple de Dieu sur
sa terre. 2) Un prosionisme politique, exprimant un soutien à Israël
volontairement déconnecté de toute dimension religieuse, soulignant,
entre autres choses, le bien-fondé de la création de l’État d’Israël à
la suite des persécutions européennes et surtout de la Shoah, mais aussi
la nature démocratique de cet État et son rôle potentiellement positif
dans la région. 3) Une critique théologique du sionisme, affirmant que
l’idée de terre sainte est étrangère à la théologie protestante : ce
n’est pas dans un lieu et sur une terre donnés qu’on adore Dieu, mais en
esprit et en vérité, le judaïsme doit donc être déconnecté du
sionisme ; la conférencière faisant remarquer que cette critique
théologique du principe même du sionisme (retour sur cette terre-là)
peut aller, dans certains cas, jusqu’à l’antisionisme. 3) Un
antisionisme politique s’appuyant sur un engagement propalestinien, la
compassion et l’engagement envers le peuple palestinien pouvant aller
parfois jusqu’à la remise en question de l’existence de l’État d’Israël,
désigné comme cause de tous les malheurs ; position susceptible de
rejoindre le militantisme en faveur d’un État binational comme solution à
tous les problèmes. 4) Un militantisme pour « deux peuples, deux
états », et un « sionisme propalestinien »."
Quels que soient le nom qu’on lui donne et les justifications dont on
la pourvoit, cette hostilité à l’égard de l’Etat d’Israël — qui
s’exprime le plus souvent par une critique radicale, arbitraire, voire
pathologique, de tout ce que font ou ne font pas le gouvernement
israélien, son armée et ses institutions politiques, conjuguée à un
parti pris propalestinien irrationnel — est l’un des points cruciaux qui
devraient faire l’objet des « sessions de débats », dont traite le
présent article. Rarissimes, en effet, sont les intellectuels et
théologiens chrétiens capables de « trier le bon grain de l’ivraie »
dans les reproches incessants que l’on fait à l’État d’Israël, et assez
courageux pour s’opposer au calomnies et au dénigrement systématiques
dont il est l’objet, et qui sont responsables de ce qu’une partie
croissante de l’opinion publique incline à remettre en cause, a
posteriori, la légitimité de l’existence d’Israël. À cet égard, le père
Michel Remaud, constitue l’une des exceptions, d’autant plus appréciées
qu’elles sont rares ; voici ce qu’il écrivait, l’an dernier, en réaction
à un déni chrétien de la légitimité de la souveraineté israélienne :
"« À l’époque contemporaine », peut-on lire dans [une revue
catholique], « des juifs ont voulu recouvrer leur terre en faisant
valoir leurs droits à la propriété de la Terre promise occupée depuis
des siècles par d’autres peuples. C’est cette revendication qui est à
l’origine de l’État d’Israël et des inextricables difficultés politiques
de la Terre Sainte. Pour recouvrer leur terre, les Israéliens n’ont pas
hésité à faire la guerre et à en chasser les occupants légitimes. » À
quel épisode historique est-il fait ici allusion ? Les premiers Juifs à
venir s’installer sur cette terre à l’époque moderne et contemporaine,
que ce soit après l’expulsion des Juifs d’Espagne en 1492, ou à partir
de la première alya, en 1882, n’étaient pas des « Israéliens ». Ceux
d’entre eux qui sont venus, pour des raisons religieuses, s’établir à
Safed, Tibériade, Hébron ou ce qui allait devenir Mea Shearim, au cours
des cinq derniers siècles, ne s’y sont pas implantés par la force des
armes, et les immigrants, laïcs pour beaucoup d’entre eux, venus par
vagues successives à partir de la fin du xixe siècle n’ont pas cherché à
reprendre la Palestine aux Turcs au moyen d’un débarquement armé ! Les
premiers « Israéliens » sont nés en 1948, avec l’État d’Israël. C’est
une décision de l’ONU qui a créé cet État, et cette décision a été
rendue possible par l’existence d’une importante population juive dans
ce qui était devenu la Palestine britannique après avoir été la
Palestine ottomane. Ajoutons qu’un certain nombre des « victimes
malheureuses du Sionisme » — pour reprendre une formule de cet article —
n’habitaient cette région que depuis quelques années, quelques
décennies au plus, puisque des Arabes des régions voisines étaient venus
s’établir en Cisjordanie à la suite de la déclaration Balfour,
escomptant que la présence conjointe des Britanniques et des Juifs
provoquerait un développement économique de la région […]. Pour pouvoir
conclure à l’illégitimité de l’État d’Israël, ce type de discours veut
passer directement de la Bible à l’actualité politique en négligeant
totalement les réalités historiques. Paradoxalement, il tombe du même
coup dans le fondamentalisme qu’il semble reprocher aux Juifs. On ne
fait rien avancer en remplaçant l’histoire par des mythes" (60)…
Cette analyse me conduit à une mise en garde (61) : Nous assistons
aujourd’hui à l’acclimatation progressive, en Occident, d’une version
proche-orientale de la phase 1 des années 30, durant laquelle « les
témoins se taisaient », alors qu’il était encore possible de dénoncer la
diffamation et la violence antijuives. Pourtant, Dieu a prévenu : « Qui
vous [les Juifs] touche m’atteint à la prunelle de l’œil ! » (Za 2,12).
Tous les chrétiens — Dieu merci ! — ne méritent pas la sévérité des
analyses qui précèdent. Quelques-uns réagissent, çà et là, le plus
souvent, hélas !, avec des moyens aussi minces que l’est leur audience.
Il en faudrait bien davantage pour faire pièce à l’immense campagne de
diffamation en cours. C’est d’un sursaut aux dimensions de la chrétienté
tout entière qu’a besoin le peuple auquel l’Église a exprimé ses
regrets. Et cela passe par une prise au sérieux de prophéties telles que
celle-ci : « Sur tes remparts, Jérusalem, j’ai posté des veilleurs, de
jour et de nuit, jamais ils ne se tairont. Vous qui remémorez [tout] au
seigneur, ne restez pas inactifs. Ne lui accordez pas de repos qu’il
n’ait établi Jérusalem et fait d’elle une louange au milieu du pays. »
(Es 62,6-7). Car si les chrétiens se taisent, les Écritures crieront !
Conclusion
Et toi, fils d’homme, prends un morceau de bois et écris dessus :
Juda et les Israélites qui sont avec lui. Prends un morceau de bois et
écris dessus : Joseph, bois d’Ephraïm, et toute la maison d’Israël qui
est avec lui. Rapproche-les l’un de l’autre pour faire un seul morceau
de bois ; qu’ils ne fassent qu’un dans ta main [...]. Voici que je vais
prendre les Israélites parmi les nations où ils sont allés. Je vais les
rassembler de tous côtés et les ramener sur leur sol. J’en ferai une
seule nation dans le pays, dans les montagnes d’Israël, et un seul roi
sera leur roi à eux tous. (Ez 37,16s.)
Rappelez-vous qu’en ce temps-là vous étiez sans Christ, exclus
de la cité d’Israël, étrangers aux alliances de la Promesse, n’ayant ni
espérance ni Dieu en ce monde. Or voici qu’à présent, dans le Christ
Jésus, vous qui jadis étiez loin, vous êtes devenus proches, grâce au
sang du Christ. Car c’est lui qui est notre paix, lui qui des deux n’a
fait qu’un. (Ep 2,12s.)
Qu’il me soit permis de terminer cet article par un vœu personnel. Ne
conviendrait-il pas que des chercheurs juifs et chrétiens, ayant les
compétences voulues pour ce faire, entreprennent des études théologiques
comparées sur un thème trop négligé, alors qu’il est capital pour le
rapprochement entre les deux communautés de foi ? Je veux parler de
l’eschatologie (62), ou plus exactement des conceptions juives et
chrétiennes afférentes à la consommation du dessein de Dieu par
l’avènement des Temps du Messie (yemot hamashiah en hébreu).
J’en esquissais l’esprit, au terme d’une étude antérieure (63), en
citant un étrange midrash dans lequel deux Sages du Talmud reconnaissent
que les chrétiens les ont supplantés, même si ce n’est que pour un
temps, et où le « bœuf » représente Israël, tandis que le « cheval » et
les « idolâtres » personnifient les chrétiens :
Que signifie : Toute face est devenue livide (Jr 30, 6) ? — Rabbi
Yohanan a dit : Il s’agit de la famille divine d’en haut [les anges] et
de la famille divine d’en bas [Israël]. Et cela aura lieu [aux temps
messianiques] lorsque le Saint, béni soit-Il, se dira : les uns
[idolâtres = chrétiens] et les autres [Israël] sont l’œuvre de mes
mains. Comment pourrais-je perdre les premiers pour ne laisser subsister
que les derniers ? Rav Pappa a dit : c’est comme le dicton populaire :
quand le bœuf a couru et est tombé, on le remplace par le cheval à
l’étable. (Talmud Babylonien Sanhedrin 98 b)
Rachi commente ainsi ce passage :
Ce que ne voulait pas faire [son maître, Dieu], avant la chute du
bœuf [Israël], parce qu’il lui était extrêmement cher. Et lorsque, un
jour ou l’autre, le bœuf est guéri de sa chute, il est difficile [au
maître] d’évincer le cheval [idolâtres = chrétiens] au profit du bœuf,
alors que Lui-même l’a mis [en place]. De même, le Saint — béni
soit-Il ! — voyant la chute d’Israël, a donné sa grandeur aux idolâtres
[chrétiens]. Et lorsque Israël se convertit et est racheté, il Lui est
difficile de perdre les idolâtres au profit d’Israël (64).
Si, comme je l’espère, avec d’autres, « les deux » d’Ézéchiel et de
Paul (cités ci-dessus en exergue de ma conclusion) prennent
graduellement conscience de ce qu’ils sont UN dans le dessein divin,
alors, au temps connu de Dieu seul, prendra tout son sens cette
prophétie d’Isaïe :
Ils diront de nouveau à tes oreilles, les fils dont tu étais privée :
« L’endroit est trop étroit pour moi, fais-moi une place pour que je
m’installe. » Et tu diras dans ton cœur : « Qui m’a enfanté ceux-ci ?
J’étais privée d’enfants et stérile, exilée et rejetée, et ceux-ci, qui
les a élevés ? Pendant que moi j’étais laissée seule, ceux-ci, où
étaient-ils ? » (Es 49,20-21)
« Ceux-ci », ce sont les païens qui ont cru à la messianité du rabbi
juif de Galilée, nommé Jésus, eux qui jadis n’étaient pas un peuple et
qui sont devenus peuple de Dieu (voir 1 P 2,10). Mais ensuite, oubliant
que ce n’est pas eux qui portent la racine, mais la racine qui les
porte, ils se sont enorgueillis (voir Rm 11,18s.), puis ont fait
sécession, comme l’Israël du Nord, se séparant de Juda, par permission
divine (voir 1 R 12,24)…
Dieu sait combien nous, Juifs, avons critiqué — souvent à juste titre
— l’interprétation « typologique » de l’Écriture (65), que les
chrétiens ont si massivement utilisée jadis pour affirmer que notre foi,
nos pratiques, voire nos Écritures, n’étaient que l’ombre de la
« plénitude de sens chrétienne », et que l’Alliance divine avec l’Israël
« selon la chair » était « vieillie et vétuste et près de disparaître »
(He 8,13). Eh bien, c’est à la typologie que j’en appelle, à mon tour,
pour proclamer ma foi en l’accomplissement inéluctable des promesses
prophétiques d’une réunion de Juda et d’Israël (voir, entre autres, Os
2,2), où Juda est le type des Juifs, et Israël celui des chrétiens.
Piste féconde et prophétique, me semble-t-il, pour une recherche et
une espérance communes. Si ce travail peut inciter des croyants des deux
confessions à la creuser, je m’estimerai amplement payé de mon labeur.
Notes
* Reproduction (après corrections, ajout de liens et mise à jour)
d’un article paru, sous le titre "Chrétiens et Juifs : Pour aller plus
loin", dans la revue catholique internationale Théologiques 11/1-2
(2003), p. 285-320.
(1) Voir, entre autres, J. Sievers, « Les multiples aspects des
Études juives à Rome », SIDIC (Service international de documentation
judéo-chrétienne), 28/1 (1995) p. 17-21 ; J.-C. Attias et P. Gisel,
dir., Enseigner le judaïsme à l’Université, Genève, Labor et Fides,
1998.
(2) Quelques titres, parmi d’autres, en français : J. Klausner, Jésus
de Nazareth, sa vie, son temps, sa doctrine (Bibliothèque historique),
Paris, Payot, 1933 (hébreu 1922) ; J. Isaac, Jésus et Israël, Paris,
Grasset, 19592 (1946) ; S. Asch, Le Nazaréen, Paris, Nagel, 1947 ; G.
Vermes, Jésus le Juif. Les documents évangéliques à l’épreuve d’un
historien, Paris, Desclée de Brouwer, 1978 ; P. Lapide, Fils de Joseph ?
Jésus dans le judaïsme d’aujourd’hui et d’hier, Paris, Desclée de
Brouwer, 1978 ; F. Rosenzweig, L’étoile de la Rédemption, Paris, Seuil,
1982 ; S. Ben-Chorin, Mon frère Jésus. Perspectives juives sur le
Nazaréen, Paris, Seuil, 1983 ; idem, Paul. Un regard juif sur l’Apôtre
des Gentils / trad. par P. Kessler, Paris, Desclée de Brouwer, 1999
(allemand 1970) ; B. Chouraqui, Jésus le Rabbi de Nazareth, Paris, La
Différence, 1990 ; B. Finkelstein, L’écrivain juif et les Evangiles,
Paris, Beauchesne, 1991 ; E. Fleg, Jésus raconté par le Juif errant,
Paris, Albin Michel, 19932 (1934) ; A.A. Kabak, Sur un sentier étroit.
Pas à pas avec Jésus de Nazareth, Paris, Cerf, 19962 (1937) ; J.
Grunewald, Chalom Jésus ! Lettre d’un rabbin d’aujourd’hui au rabbi de
Nazareth, Paris, Albin Michel, 2000 ; A. Abécassis, « En vérité je Vous
Le dis ». Une lecture juive des Évangiles, Paris, Éditions°1, 1999 ; S.
Malka, Jésus rendu aux siens. Enquête en Israël sur une énigme de vingt
siècles, Paris, Albin Michel, 1999 ; Jésus raconté par les juifs. Textes
du iie au xe siècle [sic] / trad. de l’hébreu et de l’araméen par J.-P.
Osier, Paris, Berg International, 1999 ; G. Israël, La question
chrétienne. Une pensée juive du christianisme, Paris, Payot, 1999 ; L.
Baeck, Les Évangiles, une source juive / trad. par M.-R. Hayoun, Paris,
Bayard, 2002 (allemand 1938) ; D. Flusser, Les sources juives du
christianisme. Une introduction / trad. de l’hébreu par E. Lasry, Paris -
Tel Aviv, L’Éclat, 2003 (hébreu 1980).
(3) Résumé détaillé d’après les notes prises par C. Maison lors du
Symposium, dans « Des Cardinaux et des Rabbins se rencontrent à New
York », Sens, 8 (2004) p. 453-473.
(4) Voir l’excellent exposé de vulgarisation, intitulé « Le débat », en ligne sur le site canadien.
(5) Ayant fait l’expérience de l’inutilité des tentatives de résister
de front à la puissance des empires, au plan politique, et à celle de
la chrétienté, au plan religieux, les sages juifs ont très vite opté
pour la cohabitation avec les nations du monde bedarkhei shalom (« par
les voies de la paix »). Leurs méthodes étaient l’éducation, la
discussion, le compromis et la recherche du consensus. Le Talmud ne se
comprend que par le masa umatan (« l’échange et la négociation »), qui
permet de trouver la meilleure manière d’exprimer son désaccord par les
voies de la logique et de la persuasion. Cette approche rabbinique du
désaccord et des divergences d’opinion constitue un modèle positif pour
la résolution des conflits d’interprétation, voire des antagonismes,
entre personnes, et est appréciée et utilisée, aujourd’hui encore, pour
faire face à des divergences irréconciliables.
(6) Voir la section II : « Rapports entre Ancien et Nouveau Testament
[sic] » dans le document de la Commission du Saint-Siège pour les
relations avec le judaïsme, Notes pour une correcte présentation des
juifs et du judaïsme dans la prédication et la catéchèse de l’Église
catholique (24 juin 1985), publié dans Istina, 31 (1986) p. 207-219.
(7) Exemple type : R. Schnackenburg, Règne de Dieu et Royaume de
Dieu. Essai de théologie biblique, Paris, L’Orante, 1965. Vues plus
novatrices chez B.T. Viviano, Le Royaume de Dieu dans l’histoire, Paris,
Cerf, 1992. Peu de théologiens sont allés aussi loin dans
l’approfondissement théologique et l’actualisation de ces notions que J.
Moltmann, La venue de Dieu. Eschatologie chrétienne (Cogitatio Fidei
220), Paris, Cerf, 2000, qui consacre entièrement le long ch. 3 de son
ouvrage au Royaume, sous le titre « Règne de Dieu. Eschatologie
historique », p. 165-311 ; mais ses vues sont loin d’être reçues dans
les milieux théologiques, certains les considérant même comme
« aventureuses », sans doute parce que leur audace les dérange. En règle
générale, on constate une nette frilosité, dans la théologie
chrétienne, à l’égard de l’eschatologie, qui est souvent considérée
comme une tendance à s’évader de la réalité du monde. Un échantillon
particulièrement représentatif de cette perception, d’autant plus
pénible qu’elle émane d’un exégète, aujourd’hui disparu, qui a beaucoup
contribué à une meilleure compréhension de textes du Nouveau Testament à
la lumière de leur substrat hébreu, est l’ouvrage de J. Carmignac, Le
Mirage De l’Eschatologie, Paris, Letouzey et Ané, 1978. Heureusement,
les choses commencent à évoluer. Outre les vues novatrices de Moltmann,
on lira, par exemple, avec profit : P. de Laubier, Le temps de la fin
des Temps. Essai sur l’eschatologie chrétienne, Paris, François-Xavier
de Guibert, 1994 ; idem, L’eschatologie (Que sais-je ? 3352), Paris,
Presses Universitaires de France, 1998.
(8) Ici comme ailleurs dans cet article, c’est moi qui souligne.
(9) Texte original allemand dans L’Osservatore Romano (17-18 novembre
1980), reproduit dans Acta Apostolicae Sedis, 73 (1981) p. 80. Il a
fait l’objet d’une traduction française, malheureusement défectueuse,
dans Documentation Catholique, n° 1798 (21 décembre 1980) p. 1148-1149,
et d’une traduction corrigée dans Istina 31 (1986) p. 192-195 (ici p.
193-194).
(10) « Introduction au chapitre Heleq », dans M. Maïmonide, Épîtres
(« Les Dix Paroles ») / trad. de l’hébreu par J. de Hulster, 11220
Lagrasse, Verdier, 1983, p. 159-195 (ici p. 177). Ci-après : « Heleq ».
(11) Sur cette question difficile, il faut savoir que la tendance
majeure du judaïsme traditionnel en matière de messianisme est
extrêmement prudente. Les expériences traumatisantes de ce qu’ont coûté
au peuple juif les prétendus messies — de Jésus à Sabbataï Tsevi, en
passant par Bar Kochba — ont fait de ce thème, sinon un sujet tabou, du
moins une question à propos de laquelle la plus grande réserve s’impose.
Maïmonide fut le représentant majeur de cette tendance sévère — voir en
particulier son « Épître au Yemen », dans Maïmonide, Épîtres, p.
45-114. Un penseur juif moderne, Y. Leibowitz, s’inscrit dans la ligne
du grand philosophe juif médiéval (voir J.-M. Joubert, Foi juive et
croyance chrétienne, Paris, Desclée de Brouwer, 2001, ch. 7 : « Histoire
et messianisme », p. 165-199). Sur ce sujet, on se limitera ici à
quelques repères bibliographiques : G.G. Scholem, Le messianisme juif.
Essai sur la spiritualité du judaïsme / préface, trad., notes et
bibliographie par B. Dupuy, Paris, Calmann-Lévy, 1974 (anglais 1971) ;
B. Gross, Messianisme et histoire juive, Paris, Berg International,
19972 (1977) ; J.-C. Attias, Isaac Abrabanel, la mémoire et l’espérance,
Paris, Cerf, 1992 ; D. Banon, Le Messianisme (Que sais-je ? 3377),
Paris, Presses Universitaires de France, 1998 ; J.-C. Attias, P. Gisel
et L. Kaenel, dir., Messianismes. Variations sur une figure juive,
Genève, Labor et Fides, 2000 (ouvrage recommandé, tant pour les
contributions compétentes qu’il contient que pour son excellente
bibliographie) ; etc.
(12) Texte français cité d’après La Guemara, le Talmud de Babylone /
trad. par les membres du Rabbinat français, Sanhedrin / trad. par I.
Salzer, Paris, Keren Hasefer ve Halimoud, CLKH, 1974, p. 442-571.
(13) « Heleq », p. 177.
(14) « Heleq », p. 193-194.
(15) Saint Cyprien, L’Oraison dominicale (Études d’histoire et de
philosophie religieuses 58) / texte, trad. et notes par M. Réveillaud,
Paris, Presses Universitaires de France, 1964, p. 94-97. On notera qu’à
en croire le même Évangile, dans ce Royaume, on mange et on boit, comme
l’atteste ce passage : « … beaucoup viendront du levant et du couchant
prendre place au festin avec Abraham, Isaac et Jacob dans le Royaume des
Cieux… » (Mt 8,11), que, bien entendu, à l’exception des Pères dits
« millénaristes » — dont Irénée de Lyon (voir note 19, ci-après) —, la
Tradition chrétienne presque unanime a interprété de manière spirituelle
comme décrivant « le règne des élus dans les cieux ».
(16) J. Carmignac, Recherches sur le « Notre Père », Paris, Letouzey
et Ané, 1969, ch. 9 : « Sur terre comme au ciel », p. 110-117.
(17) Cité ici d’après Catéchisme du Concile de Trente. Le Symbole des
apôtres, les sacrements, le Décalogue, la prière / trad. par E. Marbeau
et A. Carpentier, Bouère, D.M. Morin, 1998 (latin 1969), ch. 40 : « Que
votre nom soit sanctifié », § II : « Qu’est-ce que la gloire de
Dieu ? », p. 495. Réimpression d’un numéro spécial de la revue
Itinéraires paru en octobre 1969. Un préambule du directeur de la revue,
J. Madiran, précisait qu’il reproduisait, avec l’autorisation des
éditions Desclée et Cie, la traduction française Marbeau-Charpentier
publiée avec un imprimatur donné à Tournai, le 17 juillet 1923.
(18) Carmignac, Recherches sur le « Notre Père », p. 116.
(19) « Dialogue avec Tryphon », § 80, dans Justin Martyr. Oeuvres
complètes (Bibliothèque) / trad. de G. Archambault et L . Pautigny,
revues et mises à jour par E. Gauché, Paris, Migne, 1994, p. 228-229.
(20) Irénée de Lyon, Contre les Hérésies. Livre V (Sources
Chrétiennes 153) / éd. critique par A. Rousseau, L. Doutreleau, s.j. et
C. Mercier, Paris, Cerf, 1969, p. 397-399.
(21) J’ai consacré trois études à cette difficile et délicate
question : M. Macina, « Le rôle des presbytres dans la transmission de
la Tradition, chez Irénée de Lyon », dans Acta Orientalia Belgica, 13
(2000) p. 63-94 ; Idem, « La croyance en un Règne du Messie sur la
terre : patrimoine commun aux Juifs et aux Chrétiens ou hérésie
millénariste ? », Cedrus Libani [revue catholique maronite libanaise
éditée en France par Cariscript], 64 (2001) p. 39-51. Une mise à jour de
ce dernier article, intitulée « La croyance en un Règne du Messie sur
la terre », est accessible ici,
(22) Exemples dans « Le témoignage des Sages d’Israël sur les temps
messianiques », dans Le Royaume qui vient. Réflexions et méditations sur
la Fin des Temps et l’avènement du Royaume messianique, ch. 11, en
ligne ici.
(23) Cette formule apparaît pour la première fois dans la
« Profession de foi » du 1er Concile de Constantinople (2e Concile
œcuménique), qui se tint en mai-juillet 381 ; H. Denzinger, Symboles et
définitions de la foi catholique / trad. par les Éditions du Cerf,
Paris, Cerf, 1996 (allemand 199137), p. 150. Cette formulation est
encore aujourd’hui celle de la forme longue du Credo récité au cours de
la messe, dans le culte catholique. On remarquera que ce paragraphe du
Credo est une reprise littérale d’un passage de l’Évangile de Luc,
relatant l’épisode de « l’Annonce » faite à Marie, attribuée à l’ange
Gabriel (Lc 1,33), sous la forme : « tès basileias autou ouk estai
telos », que l’on retrouve dans ce stique du Credo du Concile de
Constantinople, sous la forme : « ou tès basileias ouk estai telos ».
Bel exemple de citation implicite, fréquent dans les textes religieux
anciens, tant juifs que chrétiens, notamment dans la liturgie.
(24) « Voir « Une œuvre que vous ne croiriez pas si on venait vous la
raconter ». Les traductions des passages du Nouveau Testament qui
figurent dans ce paragraphe sont miennes ; elles ont été faites à partir
de l’original grec et diffèrent notablement des versions habituelles
(d’où les italiques), en raison de ma saisie particulière du sens du
verbe apokathistanai et du substantif apokatastasis, habituellement
compris comme signifiant « rétablir », « rétablissement », et autres
variantes et synonymes de cette acception.
(25) Cf. « La “génétique” divine ».
(26) J’ai traité en détail de cette question dans M. Macina, « Jean
le Baptiste était-il Élie ? Examen de la tradition néotestamentaire »,
Proche-Orient Chrétien, 34 (1984) pp. 209-232.
(27) « Zakhur leTov, beSiman tov Eliyahu Hanavi, Eliyahu Hanavi -
Eliyahu Hanavi bimhera yavo’ ‘eleinu ‘im mashiah ben-David. » Cantique
qui, selon certains rituels, ouvre les prières de la havdalah, ou
séparation entre le temps sacré du Shabbat et celui des jours ordinaires
de la semaine. Je suis ici J.-E. Charbit, dir., Rituel de Prières, rite
sépharade, éd. bilingue, Patah Eliyahou, ouvrage publié avec le
concours du Centre Rambam, etc., Paris, Colbo, 1997, p. 285, 289s.
(28) Voir M.R. Macina, « Le rôle eschatologique d’Élie le Prophète
dans la conversion finale du peuple Juif », Proche-Orient Chrétien, 31
(1981) p. 71-99 (et le Florilège que j’en ai fait). Sur Élie, en
général, chez les Pères, l’ouvrage de référence est sans conteste la
somme réalisée par sœur E. Poirot, Les prophètes Élie et Elisée dans la
littérature chrétienne ancienne, Paris, Brepols, 1997.
(29) Rappelons que les premiers sionistes vivaient en relativement
bonne entente avec les autochtones arabes qu’on n’appelait pas encore
Palestiniens, et que tant des idéologues du mouvement sioniste qu’un
philosophe aussi considérable que Buber étaient de chauds partisans de
la cohabitation fraternelle avec les Arabes (voir M. Buber, Une terre et
deux peuples. La question judéo-arabe / textes réunis et présentés par
P. Mendes-Flohr, trad. de l’allemand par D. Miermont et B. Vergne,
Paris, Lieu Commun, 1985 (allemand 1983)). Mais ce que les Arabes vivant
en Palestine — comme d’ailleurs la quasi-totalité des Arabes dans le
monde — rejetaient sans compromis était l’établissement d’un État
souverain non arabe en Palestine, considérée par eux comme une terre
définitivement musulmane. Plus tard, l’émergence du sentiment
nationaliste palestinien rendit le conflit inévitable. La question
palestinienne est donc au cœur de l’histoire de l’État juif. De très
nombreux ouvrages, israéliens et arabes, sont consacrés à ce sujet et à
d’autres sujets connexes. Brève sélection : A.W. Kayyali [auteur
palestinien], Histoire de la Palestine, 1896-1940 / trad. par
A.-M. Teeuwissen Abouelaazem, Paris, L’Harmattan, 1985 ; J.-P.
Chagnollaud, Israël et les territoires occupés. La confrontation
silencieuse, Paris, L’Harmattan, 1985 ; D. Ben Simon et E. Errera,
Israéliens. Des Juifs et des Arabes, Paris, Complexe, 1989 ; G. Corm, Le
Proche-Orient éclaté. 1956-1991 (Folio/Histoire), nouv. éd. aug. et
mise à jour, Paris, Gallimard, 1991 (1983) ; E. Habibi [Palestinien] et
Y. Kaniuk [Israélien], La terre des deux promesses, Arles, Solin/Actes
Sud, 1996 ; Israël. De Moïse aux accords d’Oslo (Points Histoire 251)
[recueil d’articles repris d’un no spécial de L’Histoire, revus et
complétés], Paris, Seuil, 1998 ; B. Khader, L’Europe et la Palestine :
Des croisades à nos jours, Paris, L’Harmattan, 1999 ; A. Gresh, Israël,
Palestine. Vérités sur un conflit, Paris, Fayard, 2001 ; « Le problème
palestinien », dans Sionismes / textes réunis et présentés par D.
Charbit, Paris, Albin Michel, 1998, ch. 19, p. 800-860 ; etc.
(30) Lire à ce sujet le beau roman de H. Potok, L’élu, Paris, Calmann-Levy, 1969.
(31) La bibliographie de cette controverse est très vaste. On se
limitera ici à quelques titres, en commençant par ceux des « Nouveaux
historiens », ou d’auteurs qui traitent de leurs thèses. B. Morris, 1948
and After, Israel and the Palestinians, Oxford, Clarendon Press, 19942
(1990). U. Ram, « Mémoire et identité : sociologie du débat des
historiens en Israël », dans F. Heymann et M. Abitbol, dir.,
L’historiographie israélienne aujourd’hui, Paris, CNRS, 1998, p.
198-243, qui donne une bibliographie quasi exhaustive à cette date. Ce
précieux volume contient également d’autres contributions
incontournables : D. Porat, « Un problème historiographique : l’attitude
de David Ben Gourion vis-à-vis des Juifs d’Europe pendant la Shoah »,
p. 111-130 ; B. Morris, « La nouvelle historiographie : Israël confronté
à son passé », p. 131-180 ; I. Bartal « La révolution tranquille :
entre mythe et science », p. 181-195. Les réactions à ce nouveau courant
et spécialement les réfutations des thèses de B. Morris, père de cette
nouvelle historiographie sont nombreuses. Quelques titres : E. Karsh,
Fabricating Israeli History : The “New Historians”, éd. rév., London -
Portland, Frank Cass, 20002 (1997) ; E. Navon, « Les points de révision
de l’histoire du sionisme : thèses en présence et récupération
révisionniste », Conférence du Bnaï Brith, à Yad Vashem, décembre 2001).
(32) Signalons, entre autres : Eliezer Schweid, Israel at the Cross
Roads, Jewish Publication Society, Philadelphia, 1973 ; J. Peters, From
Time Immemorial. The Origins of the Arab-Jewish Conflict Over Palestine,
New York - Cambridge - Philadelphia - San Francisco - London - Mexico
City - Sao Paulo - Singapore - Sydney, J. Kap Publishing, 1984
(nombreuses réimpressions depuis), ouvrage passionné et souvent
passionnel, à utiliser avec précaution, en particulier en raison de ses à
peu près historiques et de son utilisation, pas toujours fiable, de
sources empruntées à des ouvrages de seconde main. A.L. Avneri, Claim of
Dispossession : Jewish Land-Settlement and the Arabs 1878-1948 / trad.
par le Kfar-Blum Translation Group, New Brunswick, USA - London, UK,
Transaction Books, 1984 (hébreu 1980) (de loin le meilleur ouvrage et le
plus fiable sur la question : l’auteur utilise massivement les sources
arabes, israéliennes et anglaises, dont il maîtrise les langues
originales, c’est un ouvrage incontournable, quoique de lecture aride et
difficile). E. Karsh, The Arab-Israeli Conflict. The Palestine War
1948, Oxford, UK, Ospray Publishing, 2002 ; M.G. Bard, Mythes et
réalités des conflits du Proche-Orient / trad. et adapt. françaises par
L. Messika, Paris, Raphaël, 2002 ; A. Dershowitz, The Case for Israel,
Hoboken, New Jersey, John Wiley & Sons, 2003 ; etc. Consulter
également les articles suivants : G. Adler, « Aspects historiques et
légaux du conflit Juifs-Arabes israélo-palestinien » ; D. Gold, « Des
“Territoires occupés” aux “Territoires disputés” » ; Y. Bin Noun, « Le
mythe palestinien » ; Palestinian Authority and P.L.O. Non-Compliance
with signed agreements and commitments : A record of bad faith and
misconduct. Complete text of Barak Government “white paper” on PA/PLO
non-compliance (novembre 2000), et en français, « Le Livre blanc du
conflit palestino-israélien ») ; C. Delacampagne, « À un ami
palestinien » ; Coordination Intercommunautaire contre l’Antisémitisme
et la Diffamation (CICAD), « FAQ- Questions et Réponses sur le conflit
israélo-arabe » (mars 2002) ; M. Macina, « Le Contentieux
israélo-palestinien, sa genèse, ses interrogations, ses impasses » (mai
2003) ; J. Fishman, « Guerre populaire de l’OLP - Réponse inadéquate
d’Israël ».
(33) La bibliographie du sujet est pléthorique. Voici quelques
ouvrages de référence : Z. Sternhell, Aux origines d’Israël. Entre
nationalisme et socialisme, Paris, Fayard, 1996 ; C. Klein, La
démocratie d’Israël, Paris, Seuil, 1997 ; Sionismes / textes réunis et
présentés par D. Charbit, Paris, Albin Michel, 1998 ; A. Michel, Racines
d’Israël, Paris, Autrement, 1998 ; G. Bensoussan, Une histoire
intellectuelle et politique du sionisme (1860-1940), Paris, Fayard,
2002. Sur l’histoire politique de la Palestine aux xixe et xxe siècles,
consulter : H. Laurens, Le Retour des exilés. La lutte pour la Palestine
de 1869 à 1997, Paris, R. Laffont, 1998. Et, pour les lecteurs
pressés : C. Franck et M. Herszlikowicz, Le Sionisme (Que sais-je ?
1801), Paris, Presses Universitaires de France, 1988 ; A. Boyer, Les
origines du sionisme (Que sais-je ? 2397), Paris, Presses Universitaires
de France, 1988 ; etc.
(34) Texte intégral de la Déclaration d’Indépendance d’Israël.
(35) La prière est ainsi formulée :
Notre Père qui es dans les
cieux, Rocher d’Israël et son Rédempteur, bénis l’État d’Israël, début
de l’émergence de notre rédemption [re’shit tsmihat ge’ulatenu]. Mets-le
à l’abri sous les ailes de Ton amour. Étends sur lui la tente de Ta
paix ; envoie Ta lumière et Ta vérité à ses dirigeants, à ses ministres
et à ses conseillers, et assiste-les de Ton bon conseil. Affermis les
mains des défenseurs de notre terre sainte et accorde-leur, ô notre
Dieu, le salut et la couronne de la victoire. Établis la paix sur la
terre, et emplis ses habitants d’une joie éternelle. Et prends soin de
nos frères, toute la maison d’Israël, dans tous les pays où ils sont
dispersés. Fais-les vite marcher, la tête haute [voir Lv 26,13] vers
Sion, Ta ville, et vers Jérusalem, le lieu où réside Ton nom, comme il
est écrit dans la Torah de Moïse, Ton serviteur : « Quand tu serais
banni à l’extrémité des cieux, de là-bas, l’Eternel ton Dieu te
rassemblera, et de là-bas, Il viendra te prendre pour te ramener au pays
dont tes pères ont hérité, afin que tu en hérites, et que tu y sois
heureux, et que tu t’y multiplies plus que tes pères. » [Dt 30,4-5].
Dispose notre cœur à aimer et révérer ton nom, et à observer tous les
préceptes de Ta Torah. Manifeste-Toi dans la gloire de Ta majesté à tous
les habitants de Ton monde. Et que tout ce qui respire proclame :
L’Eternel, le Dieu d’Israël est roi ; « et Sa royauté s’étend sur tout »
[Ps 193,19]. Amen ! ».
Sur cette prière, voir l’article utile du
rabbin E. Snitkoff, « Praying the Welfare of the State of Israel », en
ligne sur <>.
(36) Y. Leibovitz, Israël et le judaïsme. Ma part de vérité, Paris,
Desclée de Brouwer, 1993, p. 41. Exposé plus complet de ses
conceptions : idem, Judaïsme peuple juif et État d’Israël / trad. par G.
Roth (Thor), Paris, J.-C. Lattès, 1985 (hébreu 1976).
(37) E.E. Urbach, « Hag’ullah bi-tefisat hazal u-meora’ot yameinu »
[« La Rédemption selon les Sages et les événements de notre temps »],
dans ‘Al tsionut we-yahadut – iyyunim u-massot [Sur le sionisme et le
judaïsme — Études et Essais], Jérusalem, 1985, p. 49-52. Rappelons que
ce grand savant israélien a gratifié la recherche d’un important ouvrage
de référence : E.E. Urbach, Les Sages d’Israël, conceptions et
croyances des maîtres du Talmud / trad. par M.-J. Jolivet, Paris, Cerf -
Verdier, 1996 (hébreu 1969). Son ch. 17 (p. 669-711) est entièrement
consacré à la théologie de la notion de Rédemption dans la littérature
rabbinique.
(38) Frère P. Lenhardt, « La fin du sionisme ? », Sens, 3 (2004) p.
131. Long (p. 99-138) mais important article dont le thème est beaucoup
plus large que ne le suggère son titre. On y trouvera en particulier des
analyses liturgiques et exégétiques dont les non-spécialistes ignorent
tout. Elles sont vulgarisées avec bonheur, dans cet article d’un auteur
qui maîtrise les sources juives, dont il est un des rares spécialistes
catholiques francophones. C’est le lieu de saluer ici le mérite de la
revue Sens, sous-titrée « Juifs et Chrétiens dans le monde
d’aujourd’hui ». Elle est publiée par l’Amitié judéo-chrétienne de
France (AJCF) — fondée en 1948, sise 60, rue de Rome – 75008 Paris — et
dirigée de main de maître par le professeur Yves Chevalier. La
collection, qui compte des centaines de numéros, est une mine d’articles
incontournables pour quiconque veut suivre les progrès de
« l’enseignement de l’estime », dont Jules Isaac fut l’un des plus
éminents pionniers, et sous le haut le patronage duquel, conjointement
avec Edmond Fleg, s’est placée l’AJCF.
(39) Lenhardt, « La fin du sionisme ? », p. 120-121. Rachi est
l’acronyme du plus célèbre des commentateurs médiévaux de la Bible et du
Talmud : Rabbi CHlomo Itshaki, né à Troyes (1040-1105). Ses gloses sont
simples et brèves, et n’ont pour but que d’éclairer le sens littéral du
texte. Aucun juif cultivé n’étudie la Torah ou le Talmud sans consulter
Rachi. Pour une brève initiation, et entre autres : [ouvrage
collectif,] Rachi, Paris, Service technique pour l’éducation, 1974 ; S.
Schwarzfuchs, Rachi de Troyes, Paris, Albin Michel, 1991. Plus érudit :
G. Sed-Rajna, dir., Rashi 1040-1990. Hommage à Ephraïm E. Urbach
(Congrès européen des Etudes juives), Paris, Cerf, 1993.
(40) Commission du Saint-Siège, Notes pour une correcte présentation..., p. 218.
(41) Conférence épiscopale française, L’attitude des chrétiens à
l’égard du judaïsme. Orientations pastorales du Comité épiscopal pour
les relations avec le judaïsme (France 1973), section 5, § e).
(42) Voir le site de cet Institut. Voir l’article du P. Dujardin.
(43) Il s’agit respectivement de M. Remaud, Chrétiens et Juifs entre
le passé et l’avenir, Bruxelles, Lessius, 2000, et de J. Dujardin,
L’Église catholique et le peuple juif. Un autre regard, Paris,
Calmann-Lévy, 2003.
(44) Remaud, Chrétiens et Juifs, ch. 8, p. 113-128. Voir aussi, du
même auteur : Israël, Serviteur de Dieu, Paris, Cerf, 1983 (réédition
CCEJ, 1996) ; À cause des pères. Le « mérite des pères » dans la
tradition juive, Louvain, Peeters, 1997 ; Évangile et tradition
rabbinique, Bruxelles, Lessius, 2003 ; Le judaïsme (Que penser de ? 55),
Namur, Fidélité, 2003 ; « Le Midrash », Supplément au Cahier Évangile
82, Paris, 1992, en collaboration avec E. Ketterer ; etc.
(45) Remaud, Chrétiens et Juifs, p. 115-116.
(46) Remaud, Chrétiens et Juifs, p. 117.
(47) Remaud, Chrétiens et Juifs, p. 117. L’auteur cité est A. Davies,
« L’attitude à l’égard d’Israël : le peuple, la terre, l’État. 2) point
de vue d’un chrétien », Concilium, 98 (1974) p. 95.
(48) Remaud, Chrétiens et Juifs, p. 119-120.
(49) Dujardin, L’Église catholique, ch. 4, p. 214-242.
(50) Précisons que l’ouvrage de M. Remaud, À cause des pères, est la
version livresque de son doctorat, dont l’érudition et la profondeur
d’analyse témoignent de sa familiarité, impressionnante chez un
religieux catholique, avec la littérature rabbinique. Voir la table des
matières du livre, et la recension du Professeur Roland Goetschel, dans
Foi et Vie XCVIII/5, décembre 1999, n° 5, pp. 101-104.
(51) Dujardin, L’Église catholique, p. 224.
(52) Dujardin, L’Église catholique, p. 224-225. La citation de Pie X
figure dans M. Lowenthal, dir., The Complete Diaries of Theodor Herzl,
London, 1960, vol. 4, p. 1603. Voir aussi l’important article de
F.M. Perko, S.J., « Toward a “Sound and Lasting Basis” : Relations
between the Holy See, The Zionist Movement, and Israel, 1896-1996 »,
Israel Studies, 2/1 (1997), aussi disponible en français (trad. par J.
Dumortier) : « Vers une “base saine et durable” : Relations entre le
Saint-Siège, le mouvement sioniste et Israël de 1896 à 1996 ».
(53) Dujardin, L’Église catholique, p. 227.
(54) Dujardin, L’Église catholique, p. 236-237.
(55) Sur les débuts de l’installation des premiers sionistes en Terre
sainte, lire le bref mais précieux ouvrage du regretté J.-M. Delmaire,
De Jaffa jusqu’en Galilée. Les premiers pionniers juifs (1882-1904),
Villeneuve-D’ascq (Nord), Presses Universitaires du Septentrion, 1999.
(56) M.R. Macina, « “Rester à part”, ou “être mis à part” ? Les
Juifs : une question pour les nations », Revue de Ligugé, 295 (janvier
2001).
(57) L’antisionisme souvent considéré comme un sous-produit de
l’antisémitisme — dont il n’est d’ailleurs pas toujours dénué, tant s’en
faut —, diffère de lui, cependant, en ce qu’il se donne une
justification que l’opinion publique considère comme honorable : la
défense des droits légitimes du peuple palestinien, dont les droits les
plus élémentaires apparaissent comme bafoués par un Israël puissant et
intransigeant. L’étude de ce phénomène n’en est qu’à ses débuts et
attend encore ses historiens. Les titres indiqués ici, ne constituent
qu’un aperçu : P. Giniewski, L’antisionisme, Bruxelles, Édition de la
librairie encyclopédique, 1973 ; G.-E. Sarfati, L’antisionisme.
Israël/Palestine aux miroirs de l’Occident, Paris, Berg International,
2002 ; S. Trigano, dir., Le Sionisme face à ses détracteurs, Paris,
Raphaël, 2003. De très nombreux articles abordent ce thème avec plus ou
moins d’objectivité et de compétence. On ne les recensera pas ici.
(58) Rapport sur la 18e rencontre du Comité International de Liaison
entre Catholiques et Juifs - Buenos Aires, 5-8 juillet 2004 (trad.
française par C. Detienne).
(59) Voir F. Taubmann, Quelques réflexions sur l’antisionisme en
France. Les quatre points évoqués ici sont repris, presque mot à mot de
l’exposé du pasteur Taubmann.
(60) M Remaud, « Israël, État illégitime », Un Echo d’Israël 9 (15
juillet 2003). Cette thématique s’acclimate de plus en plus dans
l’opinion publique et trouve, à la faveur du conflit
palestino-israélien, de nombreuses oreilles attentives. On peut en lire
une expression quasi sacralisée dans des ouvrages — influencés par les
thèses négationnistes du livre de R. Garaudy, Les Mythes fondateurs de
la politique israélienne, publié à compte d’auteur en 1996, condamné et
interdit de vente en France, mais largement diffusé sous le manteau et
par des sites Internet — tel celui de D. Vidal, Le péché originel
d’Israël. L’expulsion des Palestiniens revisitée par les « nouveaux
historiens » israéliens, Paris, L’Atelier, 1998. Depuis quelques années,
cette critique dissolvante a fait des adeptes dans le monde chrétien ;
on en trouve, entre autres, une expression paranoïde dans un petit
libelle délirant de F. Smyth-Florentin, Les mythes illégitimes. Essai
sur la « terre promise », Genève, Labor et Fides, 1994.
(61) Je reprends ici des propos déjà exprimés dans M.R. Macina, « Si
les Chrétiens se taisent, les Écritures crieront », L’Arche, 519 (mai
2001) p. 34-38.
(62) Voir la note 7, ci-dessus.
(63) M.R. Macina, « Caducité ou irrévocabilité de la Première
Alliance dans le Nouveau Testament. A propos de la ’Formule de
Mayence’ », Istina 41 (1996) p. 395-400.
(64) Macina, « Caducité ou irrévocabilité », p. 398-399.
(65) Voir, à ce propos, SIDIC, 21/3, (1988), consacré à « La typologie et ses problèmes ».